Toute surperformance ne veut pas forcément dire alpha
Imaginez un marathon qui aurait lieu chaque année sur le même parcours. Une année, le vainqueur franchit la ligne d’arrivée en un temps record, aidé en cela par les conditions météo. Dans l’édition suivante, le gagnant réalise un temps similaire, mais dans des conditions bien plus difficiles : pluie battante et vent contraire. Dans les deux cas, les coureurs ont obtenu des résultats impressionnants, mais seul l’un d’entre eux a démontré des qualités supérieures. Il en va de même pour ce que l’on nomme en finance « alpha » et « surperformance », et nous allons voir pourquoi.

En investissement, lorsque l’on obtient un rendement supérieur à un indice de référence ou à un autre investissement, on dit sans trop y réfléchir que l’on a surperformé. Cependant, cela ne vous explique pas comment ces rendements ont été réalisés ni s’ils justifient les risques qui ont été pris.
L’alpha, en revanche, va plus loin. Il calcule la valeur ajoutée d’un gestionnaire après avoir pris en compte les mouvements du marché et le risque. L’alpha est en quelque sorte une mesure de compétence qui permet de distinguer la part du résultat revenant au talent du gestionnaire et celle qui repose sur des conditions extérieures.
Comprendre l’alpha
Si, après avoir investi dans un fonds ou une action, le marché progresse de 9 % en un an et que votre investissement fait aussi +9 %, vous avez suivi le marché, sans valeur ajoutée particulière. Mais si votre portefeuille grimpe à 12 % alors que le marché ne fait que 9 %, que dire de cet écart de 3 % ? Peut-on parler de surperformance parce que vous avez gagné plus que le marché ?
L’affaire n’est pas aussi simple. En effet, toute surperformance ne veut pas forcément dire alpha. L’alpha correspond uniquement à la partie du gain qui vient d’une vraie valeur ajoutée, comme une meilleure sélection d’actions ou une gestion active réussie. Le calcul de l’alpha permet de distinguer les bons investisseurs de ceux qui ont simplement eu de la chance. C’est un indicateur clé pour savoir si un investisseur ou un gestionnaire de fonds apporte réellement de la valeur.

Deux concepts très différents
Alors pourquoi cette distinction est-elle primordiale ? La surperformance sans contexte peut être trompeuse. Un gestionnaire peut battre son indice de référence en prenant des risques excessifs ou en profitant des tendances favorables du marché – deux facteurs qui ne reflètent pas nécessairement une compétence ou une stratégie durable. Voilà pourquoi le calcul de l’alpha est si important. Il garantit en effet que vous évaluez les performances correctement.
Il n’y a pas si longtemps, on a beaucoup parlé du fonds phare d’ARK Invest, l’ETF ARK Innovation (ARKK). Au sommet de sa popularité début 2021, ARKK a attiré l’attention pour ses rendements impressionnants, fortement concentrés dans des actions comme Tesla et d’autres noms spéculatifs dans les secteurs de l’innovation disruptive. Bien que ces actions aient grimpé dans des conditions favorables du marché, la dépendance d’ARKK à la volatilité signifiait qu’une grande partie de sa surperformance pouvait être attribuée à une exposition accrue aux fluctuations des marchés plutôt qu’à une compétence unique dans le choix des actions. Lorsque les marchés ont tourné en 2022 et au-delà, ARKK a subi des pertes dramatiques, enregistrant même une baisse de plus de 55 % par rapport à son sommet, soulignant comment s’appuyer sur des stratégies axées sur des titres qui montent beaucoup quand tout va bien, et qui s’effondrent lorsque les conditions changent, peut entraîner des baisses significatives.

Source: Bloomberg / Performance rebasée à 100 au 31/01/2019
Risques et implications
Comprendre l’alpha peut vous aider à prendre de meilleures décisions concernant vos investissements. Un alpha positif indique qu’un gestionnaire a ajouté une valeur au-delà de ce que le marché aurait pu offrir passivement, tandis qu’un alpha négatif suggère une sous-performance après ajustement au risque. En vous concentrant sur l’alpha plutôt que sur les simples rendements bruts, vous pouvez identifier des stratégies qui sont non seulement performantes, mais aussi durables à long terme.
Ignorer cette distinction représente un certain danger : si vous suivez des fonds ou des titres avec une surperformance axée sur un bêta élevé – c’est-à-dire des produits qui réagissent fortement aux évolutions du marché –, vous pourriez vous retrouver exposé à des risques inutiles lors de périodes difficiles, érodant ainsi votre patrimoine à long terme. Les récentes difficultés d’ARKK servent d’avertissement pour évaluer les performances sous l’angle de l’alpha plutôt que d’être ébloui par des gains à court terme alimentés par des paris spéculatifs.
Alors, la prochaine fois que vous souhaiterez adapter l’allocation de votre portefeuille ou engager un gestionnaire d’investissement, retenez ceci : si la surperformance peut paraître séduisante de prime abord, l’alpha révèle la vérité sur la compétence et la création de valeur. Pour performer en investissement comme pour gagner un marathon, il ne suffit donc pas de courir vite ; il faut surtout courir intelligemment.

Joan Bürgy
Investment Specialist
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