La finance comportementale : investir sous influence
Pour répondre à ses besoins, l’investisseur dispose de nos jours d’un accès global et sans limite à de multiples sources d’informations. Presse, sites spécialisés, réseaux sociaux, relations interpersonnelles, les conseils et recommandations stratégiques ne manquent pas. Au point où nous avons toutes et tous la possibilité de devenir rapidement des spécialistes dans de nombreux domaines financiers.
« Risque bien ordonné commence par soi »
En ayant un accès direct aux chiffres des entreprises, aux tendances macro-économiques, mais aussi à des propositions et des solutions d’investissement, l’investisseur privé a en effet de nombreux moyens à disposition pour réussir tout seul en bourse. Cependant, s’il possède une bonne vue sur l’ensemble de ses risques, il n’en maîtrise pas toutes les sources, à commencer par la principale : lui-même.
Les grandes personnalités de l’investissement ne s’y sont pas trompées. Benjamin Graham disait en effet que le premier ennemi de tout investisseur n’est autre que lui-même. Warren Buffett, de son côté, aimait à rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’être un génie pour investir, mais qu’il est indispensable d’avoir le tempérament nécessaire « pour contrôler les pulsions qui peuvent conduire d’autres à prendre des décisions d’investissement malheureuses. »
Du biais cognitif et de ses conséquences
Les investisseurs sont en effet affectés par des biais cognitifs qui trompent leur capacité de discernement. Ces mécanismes de pensée réduisent malheureusement bien des compétences en matière de placement, car ils provoquent une déviation de la perception et du jugement.
Les décisions des investisseurs sont ainsi influencées par différents biais : l’humeur du moment, la capacité à maîtriser ses émotions, la propension à vouloir minimiser ses regrets ou encore la peur de l’inconnu.
Autant d’éléments à prendre en compte afin d’analyser les comportements économiques.
Connaissez-vous votre biais ?
Si vous vous reconnaissez dans les tendances listées ci-dessous, réfléchissez à deux fois avant d’investir. À tout le moins, mettez-vous en quête d’un conseil avisé.
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- Pourquoi vendez-vous tous vos titres en perte le même jour ?
- Pourquoi ne rachetez-vous jamais les titres qui vous ont fait perdre de l’argent ?
- Pourquoi n’aimez-vous pas vendre des actions qui viennent de baisser ?
- Pourquoi ne rien changer au portefeuille que vous a légué votre grand-mère ?
- Pourquoi prenez-vous plus de risques après avoir engrangé des gains inattendus ?
- Pourquoi gardez-vous plus longtemps vos titres en perte que vos titres en gain ?
- Pourquoi possédez-vous des actions de la société qui vous emploie ?
Le comportement moutonnier
Il existe sur les marchés financiers plusieurs milliers de titres. L’offre étant très vaste, il est impossible de connaître tous les instruments à disposition. Ainsi, il est très fréquent que les investisseurs prennent la décision d’investir dans un titre parce que « tout le monde l’achète », ceci en négligeant l’analyse fondamentale le concernant. Dans ce genre de cas, il arrive souvent que le titre monte, non pas en raison de ses fondamentaux qui s’améliorent, mais parce qu’il bénéficie d’un effet de mode.
Ce phénomène de masse est caractéristique des bulles. Le bitcoin et les cryptomonnaies en sont de bons exemples. La bulle d’internet observée il y a plus d’une vingtaine d’années participait au même mouvement. Moralité : faire comme les autres est irrationnel, car l’investisseur reproduit aveuglément des décisions qui bénéficient d’un effet de masse.
L’excès de confiance
La tendance qui nous incite à surévaluer nos facultés intellectuelles peut être source de déconvenue en bourse. Ce biais a été mis en évidence par des expériences en psychologie qui ont montré que, dans divers domaines, une importante majorité des participants estime avoir de meilleures capacités que la moyenne. Ce type de biais a pour conséquence de rendre l’investisseur plus « agressif » sur les marchés, à augmenter sa prise de risques, mais aussi son inclination à sous-diversifier ou encore à ignorer volontairement des informations contradictoires.
L’excès de confiance encourage l’investisseur à générer plus de transactions. Ce dernier pensant être meilleur que les autres, il va donc acheter et vendre des titres plus rapidement. Les études en finance comportementale ont démontré également que ces investisseurs ont une tendance à acheter après les phases de hausse et à vendre après les phases de baisse. Autrement dit : au mauvais moment. Sans compter que si l’on souffre de ce biais, on apprend moins facilement de ses erreurs.
L’effet de disposition
Notre psychologie est ainsi faite que nous percevons nos pertes avec une intensité plus forte que nos gains. De ce fait, un investisseur prendra plus de risques s’il est en situation de perte. C’est le vieux réflexe « du casino » que la phrase « je vais me refaire » exprime parfaitement. L’investisseur qui se trouve dans cette disposition aura donc tendance à vendre trop rapidement les positions qui gagnent de l’argent et à détenir trop longtemps, les positions étant dans le rouge. De la même manière, l’aversion aux risques peut conduire un investisseur souffrant de « l’effet de disposition » à vendre un titre à son plus bas historique au lieu d’en profiter pour en acheter davantage.
Biais de confirmation
Autre comportement fréquemment observé : le biais de confirmation. Une fois sa décision prise, l’investisseur manifeste en effet une forte tendance à écarter toute information qui pourrait lui faire changer d’avis. Il trouvera en effet n’importe quel argument pour éloigner de sa tête tout débat contradictoire et confirmer son opinion. À l’image d’un débat politique suivi à la télévision, le téléspectateur ayant un parti pris n’entendra pas les arguments de la partie adverse. Notre cerveau est fait de telle manière qu’il développe en effet une tension lorsqu’un comportement entre en contradiction avec ses idées ou ses croyances. Il cherchera alors à corriger ce qu’il entend en ignorant notamment les informations contraires afin de préserver une certaine stabilité mentale.
Le biais de confirmation pousse les investisseurs à ignorer les indices qui ne soutiennent pas leur stratégie. Ils surévaluent l’information qui confirme leurs croyances et sous-estiment l’importance des autres informations. Cela peut également se traduire par une concentration excessive sur un titre et un manque de diversification.
L’âge de la raison
Les biais comportementaux décrits ci-dessus ne sont malheureusement pas les seuls. Il en existe des dizaines d’autres qui interviennent dans nos décisions et font courir à nos investissements des risques incontrôlés. Il est donc capital de les diminuer. Opter pour un processus d’investissement clair et précis peut aider. De la même manière, la mise en place de barrières ou de limites prédéfinies permet de parer aux décisions hâtives et infondées. Car tout l’enjeu est là, il faut se tenir le plus éloigné possible de tout ce qui touche, de près ou de loin, à l’émotionnel. La science de l’investissement lui préfère en effet les faits et les données. Pour éviter les biais, justement.
Dans ce cadre, les compétences financières, la recherche et l’analyse sont évidemment nécessaires pour parvenir à gérer son portefeuille de manière optimale. Bien maîtriser ses émotions et appliquer une approche structurée et basée sur des processus rigoureux sont également les clés de la réussite.
Déléguer la gestion de ses avoirs à des professionnels permet ainsi d’éviter considérablement l’ensemble de ces biais. Enfin, ne jamais oublier cette règle d’or : l’investissement à long terme est le meilleur moyen pour réduire ses risques. Il nous permet de ne pas nous précipiter sur certains titres à la mode lorsqu’ils sont surachetés ou au contraire, de fuir les marchés en panique.
Aurélien Guzzo
Executive Director
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