La bourse et l’économie sont deux choses différentes
Beaucoup de gens pensent que les performances des marchés financiers sont un reflet de la bonne ou de la mauvaise santé de l’économie. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. La bourse et l’économie sont deux notions qui ne se rejoignent pas toujours. Elles peuvent même parfois recouvrir des réalités opposées. Retour aux fondamentaux pour bien comprendre ce qui les distingue et ce qui, a contrario, les réunit.
Essai de définitions
La bourse est un espace transactionnel où s’échangent différents actifs financiers. Entreprises et institutions y émettent des titres (actions, obligations, etc.) pour lever des fonds, tandis que les investisseurs achètent et vendent ces titres pour acquérir un droit sur les actifs et les bénéfices de la société et réaliser leurs profits. La bourse joue dans ce cadre un rôle essentiel dans l’économie en favorisant la croissance, l’accessibilité au marché, la répartition des capitaux ou encore réduire les conflits d’intérêts. Les mouvements de la bourse sont néanmoins conditionnés à de nombreux facteurs comme les bénéfices et les perspectives des entreprises, les taux d’intérêt et les niveaux d’inflation, le sentiment et la confiance des investisseurs, ou encore les événements géopolitiques.
Quant à l’économie, on a pour habitude de dire qu’elle regroupe l’ensemble des activités liées à la production, la distribution et la consommation des biens et services. On la mesure à travers divers indicateurs, tels que le produit intérieur brut (PIB), le taux de chômage, l’indice des prix à la consommation (IPC) ou encore la balance commerciale pour n’en citer que quelques-uns. Là aussi, l’économie est influencée par de nombreux facteurs, dont certains sont identiques aux éléments moteurs du marché boursier, sans toutefois s’y limiter :
– Les politiques fiscales et monétaires des gouvernements et de leur banque centrale
– La croissance de la population et la démographie
– L’innovation et la technologie
– Les ressources naturelles et l’environnement
– Le commerce et la coopération internationale
Quel lien entre la bourse et l’économie ?
Au vu des définitions que nous venons de donner, le marché boursier et l’économie sont liés, mais pas de manière simple ou directe. Le marché boursier est prospectif, c’est-à-dire qu’il reflète les attentes des investisseurs quant aux performances futures des entreprises et de l’économie. De son côté, l’économie est rétrospective, c’est-à-dire qu’elle reflète les résultats réels de la production et de la consommation des biens et services.
En conséquence, marché boursier et économie peuvent évoluer dans des directions différentes, en fonction de l’écart existant entre les attentes des investisseurs et la réalité. Ceci a été observé à plusieurs reprises dans l’histoire. En voici quelques exemples :
La Grande Dépression
Déclenchée par le krach boursier de 1929, la Grande Dépression est connue pour avoir été la pire période de récession économique de l’histoire. Après l’effondrement des marchés financiers, l’économie américaine s’est contractée de près de 30% entre 1929 et 1933, accusant un taux de chômage de 25%. Malgré une reprise spectaculaire des marchés financiers et une progression du Dow Jones de plus de 300% après cette baisse vertigineuse, les difficultés économiques ont persisté entre 1933 et 1937 ; la bourse avait pris ainsi une trajectoire diamétralement opposée à celle de l’économie.
La bulle internet
La fin des années 1990 a été marquée par une hausse rapide du cours des actions des entreprises technologiques. En cause : un optimisme sans borne et une spéculation démesurée, liés à l’avènement d’internet et à la création d’une nouvelle économie. L’indice Nasdaq Composite a bondi dans ce cadre de plus de 500% entre 1995 et 2000, atteignant un record historique en mars 2000. Cependant, l’économie américaine n’était pas aussi forte que le marché boursier le laissait supposer, puisque la croissance du PIB de ce pays a passablement ralenti, passant de 4.5% en 1999 à 3.8% en 2000. En parallèle, le taux d’inflation est passé de 1.6% à 3.4%. Tous ces éléments ont fini par créer une bulle dont l’éclatement a anéanti des milliers de milliards de dollars de valeur marchande et déclenché une importante récession.
La crise des subprimes
La crise financière mondiale observée entre 2007 et 2009 a été provoquée par l’effondrement du marché immobilier américain et le resserrement du crédit. Cette crise dite des subprimes a fait entrer l’économie américaine dans une profonde récession et avec elle, de nombreuses économies partenaires. Dans ce cadre, le PIB des États-Unis a reculé de 2.5% en 2008 et de 2.9% en 2009. Le taux de chômage a atteint quant à lui les 10% en octobre 2009. Si le marché boursier s’est rapidement remis de la crise, grâce notamment aux mesures de relance et aux interventions sans précédent des gouvernements et de leur banque centrale, l’économie a pris de son côté des années à se remettre de ce choc. Le redressement des marchés financiers a là aussi été spectaculaire, l’indice S&P 500, à son plus bas en mars 2009, avait repris plus de 60% à la fin de l’année.
COVID-19
L’onde de choc provoquée par les mesures sanitaires drastiques prises lors de la pandémie de COVID-19 en 2020 et 2021 pour en limiter la propagation a non seulement perturbé le fonctionnement de la société et des entreprises, mais aussi celui de l’économie mondiale. À cette occasion, l’économie américaine a subi la pire contraction jamais enregistrée avec un PIB en recul de 31.4% au deuxième trimestre 2020 et un taux de chômage de 14.8% en avril 2020. Cependant, le marché boursier a défié la réalité économique en effectuant un retour remarquable après le krach provoqué par la pandémie. D’ailleurs, sous l’effet des mesures massives de relance budgétaire et monétaire, mais aussi du déploiement rapide des vaccins et de l’optimisme qui s’en est suivi, l’indice S&P 500 a établi un nouveau record historique en mai 2021.
Ces exemples montrent que la bourse et l’économie peuvent parfois diverger de manière significative. La bourse peut en effet monter lorsque l’économie est en baisse, en particulier si les investisseurs anticipent une reprise économique rapide ou si les entreprises profitent d’une manière ou d’une autre de la récession. À l’inverse, les marchés peuvent chuter de manière rapide alors que la croissance économique est jugée comme étant bonne. Cela arrive fréquemment quand les investisseurs craignent un ralentissement prochain, ou si les entreprises sont confrontées à des problèmes de concurrence ou de réglementation.
Un portefeuille à toute épreuve
S’il faut considérer la bourse et l’économie avec un regard différent, il est important toutefois de tracer entre les deux notions des lignes de convergence. En effet, toutes deux s’influencent mutuellement de manière complexe et dynamique, car elles sont le reflet du comportement collectif et des attentes des investisseurs, des consommateurs, des producteurs et des décideurs.
Cela étant, il ne faut pas se fier de manière exclusive au marché boursier. Celui-ci n’est en effet pas l’unique indicateur de la santé d’une économie. L’inverse est tout aussi vrai. En d’autres termes, les données économiques de base telles que le PIB et la masse monétaire ne peuvent pas former à eux seuls le socle de réflexion des investisseurs. Voilà pourquoi il faut éviter de réagir de manière excessive lorsque des fluctuations à court terme secouent les marchés ou l’économie. Voilà pourquoi également la diversification des portefeuilles, en pondérant les secteurs, les industries, les zones géographiques et les classes d’actifs, reste l’outil le plus efficace pour minimiser son exposition aux risques et pour se prémunir des incertitudes générées par les marchés et l’économie.
Joan Bürgy
Investment Specialist
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